Tout nu à bicylette


Des naturistes au centre sportif

Certains samedi soirs, le Centre sportif de l’UQAM se transforme en jardin d’Eden. Au pas de course, dans la piscine ou sur le terrain de volley-ball, les naturistes profitent des joies du sport dans le plus simple appareil. Ne reculant devant rien, Montréal Campus s’est déshabillé pour vous dévoiler les dessous du naturisme urbain!



Photo: Jean-François Hamelin

Ce sont les extrémités qui gèlent en premier. Les naturistes, adeptes des plages et campings, ont donc tout intérêt à se réfugier à l’intérieur durant la saison froide. Ainsi, la Fédération québécoise de naturisme (FQN) loue le Centre sportif de l’UQAM depuis quelques années, dès les premiers frimas de l’automne jusqu’aux dernières fantaisies de l’hiver. Quelques samedi par session, le terrain d’entraînement des Uqamiens devient donc interdite aux «Textiles», comme les naturistes aiment surnommer les amateurs de vêtements.

À l’abri des regards, dans les abîmes du troisième sous-sol, des activités sportives sont organisées. Volley-ball, badminton, course à pied, vélos stationnaires, corde tarzan pour se jeter dans la piscine: tout y passe. Selon la demande, des séances de yoga et de taï-chi sont même organisées. Tout cela, sans le moindre bout de tissu bien sûr. Seule la salle de musculation n’est pas occupée par la FQN.

«Les gens pensent qu’ils ont besoin de leurs vêtements, que sans eux leurs testicules ou leur pénis vont être en travers du chemin, indique Michel Vaïs, le fondateur de la FQN. Certains pensent même que jouer au volley-ball nu est dangereux!» À en croire les rires des participants qui résonnaient dans le gymnase lors de notre passage, les risques de blessures étaient le dernier des soucis des naturistes.

À Montréal, nombreux sont ceux qui s’adonnent au plaisir du costume d’Adam. Au Centre sportif, leur nombre varie d’une cinquantaine à plus de cent, selon les soirées. Au Québec, ils seraient des milliers. Pour beaucoup, se promener nu est une véritable libération du corps et de l’âme. C’est le cas de Rémi, qui a commencé par poser nu pour des cours d’arts et qui a ensuite essayé le naturisme. «Depuis que j’ai commencé à enlever mes vêtements, je me réalise, indique-t-il, au bord de la piscine. Habillé, je fais partie d’une société et d’une hiérarchie qui dictent mes gestes.»

«On vit dans une société où le corps est soit refoulé par la morale ou la religion, soit surexposé, commercialisé, ce qui mène à la pornographie, dénote Michel Vaïs. Le naturisme est l’antidote à ces deux poisons.» Pour ses pratiquants, outre le plaisir de ne faire qu’un avec les éléments, le naturisme est aussi une acceptation de l’autre et de soi-même sans connotation sexuelle. 

Cependant, les préjugés vont bon train et les amateurs évitent de s’exposer au grand jour. «Chez les naturistes, on ne connait bien souvent que les prénoms», révèle Michel Vaïs. Toutefois, de part le côté social du naturisme, certains risques restent inévitables. «J’ai toujours peur de croiser quelqu’un de l’UQAM quand je viens ici», signale Paul, ancien étudiant de l’Université.

Des naturistes itinérants

Pour le Centre sportif de l’Université, les évènements organisés par la FQN sont une entrée d’argent toujours bienvenue. «Ils ne sont pas tannants, c’est très familial et ils n’utilisent qu’un seul vestiaire, mentionne Mario Dufour, le directeur intérimaire du centre. C’est une source de revenu plaisante à une heure où l’on est normalement fermé.» Les soirées ont en effet lieu hors des horaires d’accès pour les étudiants, certains samedi de 19h à 21h.

Si le Centre sportif de l’UQAM abrite désormais les membres de la FQN, trouver une oasis urbaine pour les plaisirs du naturisme n’a pas été simple par le passé. «C’est très difficile de trouver un endroit qui accepte de nous louer leurs locaux, indique Michel Vaïs. On est resté une saison au complexe Guy-Favreau et on était très contents en plein centre-ville, avec le sauna et le bain tourbillon. Mais après la parution d’un article sur nous, un membre du conseil d’administration de l’établissement a refusé de nous relouer les locaux.»

La FQN a approché de nombreux établissements depuis sa création en 1977. Entre les pétitions pour les déloger et les locaux mal adaptés, être tout nu n’est pas chose aisée sur l’Île. Les salles d’Énergie Cardio ont par exemple bien souvent une vitrine donnant sur l’extérieur. «L’Université de Montréal avait même fait un contentieux pour savoir si c’était légal de nous louer son centre sportif», ajoute Michel Vaïs, dont la Fédération est reconnue par Regroupement Loisir Québec.

La promotion des évènements doit aussi être faite avec quelques précautions. La FQN ne peut pas indiquer, par exemple, qu’il s’agit d’un bâtiment de l’UQAM lors des annonces de ses activités urbaines. Elle doit se contenter du 1212, rue Sanguinet. «Cette restriction fait partie intégrante des clauses contractuelles de location»
, explique Mario Dufour.
 L’Université craint en effet que le public pense que c’est elle qui chapeaute les activités, alors qu’elle loue seulement ses locaux.
 
Jamais sans ma serviette

La vision d’un cycliste nu dégoulinant de sueur pour cause d’intense entrainement sur un vélo stationnaire coupe sans doute l’appétit à plusieurs. Mais n’ayez crainte: il aura préalablement posé une serviette sur la selle. «Ce n’est pas seulement pour les autres usagers, mais aussi pour eux, indique Mario Dufour. Entre la fermeture et leur arrivée, il n’y a pas d’équipe de nettoyage. Alors quand il y a eu toute la journée des gens qui ont sué sur les vélos…» L’entretien du matériel s’effectue en effet de nuit.

Fait à noter, au Canada, c’est le code criminel qui réglemente la nudité. L’article 174 précise qu’«est coupable d’une infraction […] quiconque, sans excuse légitime, est nu dans un endroit public, […] est exposé à la vue du public sur une propriété privée.» Aux naturistes donc de démontrer qu’être tout nu pour le plaisir est un plaidoyer valable!

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